Cécile McLorin Salvant duo à Buis

Cécile McLorin Salvant duo





Ce jeudi soir, quatrième concert de la semaine en Baronnies, du festival Parfum de Jazz, pour sa vingt et unième édition, au théâtre de verdure de La Palun de Buis les Baronnies.


Quelle joie daccueillir Cécile McLorin Salvant dont nous avons eu le plaisir de suivre le parcours depuis bientôt une décennie et de voir à quel point la Diva qu’elle est devenue, couverte de lauriers ( 2010 prix Thelonious Monk de jazz vocal, 2014 Nomination aux Grammy Awards pour l’album « Woman Child », 2015 chanteuse de l’année, 2016 meilleur album aux Grammy Awards pour « For one to love », 2017 prix Django Reinhardt, 2018 Victoire du Jazz, 2018 meilleur album aux Grammy Awards pour « Dream and Draggers », 2019 Grammy Awards du meilleur album pour « the Window ») peut nous éblouir à nouveau.


Voyage au bout de l’ennui …


Cruelle déception : malgré un talent fabuleux incontestable, des capacités vocales hors du commun, passant d’un grave chaleureux à la Sarah Vaughan, à des aigus à la Bessie Smith ou à la Billie Hollyday, une puissance émotionnelle évidente à chaque morceau, une forme de transcendance dans la mélancolie, une présence adorable et une gentillesse communicative, un sourire complice et enjôleur, malgré cette somme considérable de qualités, la prestation monotone de ce soir a fini par provoquer une forme d’ennui.


Chaque morceau, individuellement, recelait des merveilles musicales, de nostalgie, de clins d’œils, mais l’ensemble, mis bout à bout, donnait un arrière goût étrange : uniquement des morceaux aux tempos lents, trop lents, certes parfois relevés par quelques facéties pianistiques de Sullivan Fortner, manifestement digne continuateur d’Earl Hines, avec quasi exclusivement des pièces très anciennes (poignantes versions de « J ‘ai vu tes yeux » et « j’ai le cafard » de Damia, typiques des chansons « réalistes » des années trente, excellent « Nobody in Town Can Bake a Sweet Jelly Roll Like Mine » de Bessie Smith, « Jeepers , Creepers » écrite en 1938 par Johnny Mercer, émouvant « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » de Léo Ferré sur un poème d’Aragon de 1956, « Body and Soul » de 1930, « Speak low when you speak love », composé par Kurt Weill en 1943) ou des compositions personnelles du même tonneau, au style éternellement plaintif, langoureux, affecté, languissant et élégiaqueComme si ce concert avait pu avoir lieu soixante ans en arrière, comme si Parker, Coltrane et d’autres piliers du Jazz n’avaient rien bouleversé ...


Autant ce type de projet épuré, minutieux, risqué et exigeant est sincèrement fabuleux sur disque, autant en concert, surtout en plein air, en festival d'été, une certaine variété, une forme de diversité, une non linéarité discursive, un travail sur les nuances et les contrastes entre chaque pièce, un crescendo vers le final, une énergie enthousiaste, pourraient permettre de créer une ambiance propice à l’adhésion totale de tous les spectateurs et éviter cette overdose de spleen.


Hélas, grand hélas, ce ne fut pas le cas, et c’est d’autant regrettable, que l’artiste a, nous en sommes foncièrement persuadés, des possibilités absolument inouïes. 
 



Cécile McLorin Salvant, voix
Sullivan Fortner, piano
Jean-François Bonnel, clarinette sib, invité surprise sur trois morceaux


Philippe Chassang

jeudi 15 août 2019

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